Les orages et
les éclairs
On dit qu'il y a orage lorsqu'on observe une ou plusieurs décharges brusques d'électricité atmosphérique se manifestant par une lueur brève et intense (éclair) et par un bruit sec ou un roulement.
Un orage est essentiellement associé à un
cumulonimbus et est, le plus souvent, accompagné de précipitations sous forme
d'averses.
Les phénomènes électriques qui le
caractérisent peuvent entraîner des dégâts de structure mais ne constituent
pas les éléments les plus dangereux. En effet, ce sont les forts courants
ascendants et descendants, les mauvaises conditions de visibilité et de
plafond liées aux averses et le givrage associé à la turbulence qui
présentent le plus grave danger pour les avions en vol ou à l'atterrissage.
|
|
Abstraction faite des décharges électriques, un orage n'est rien d'autre qu'une averse violente; de ce fait, le contenu de ce chapitre est, en grande partie, valable pour les cumulonimbus et averses non accompagnés d'orage.
Introduction
Dans
l'ensemble les orages sont assez fréquents. On estime à 20 millions le nombre
d'orages déclenchés sur la totalité du globe terrestre au cours d'une année
entière; soit, en moyenne, 50000 orages par jour ! Compte tenu de la durée
moyenne d'un orage (quelques heures) on peut dire que quelques 2600 orages
sévissent sur la Terre
à chaque instant. Enfin, un orage libère autant d'énergie que 1 MT de TNT.
La
fréquence des orages augmente généralement des pôles vers l'équateur : on
n'observe pratiquement pas d'orages dans les régions polaires et dans les
ceintures anticycloniques subtropicales; on observe environ un jour d'orage par
an aux latitudes comprises entre 70 et 80° du fait qu'on y observe le passage
de pratiquement aucun front. En revanche, on peut observer plusieurs centaines
d'orages au niveau de l'équateur qui bénéficie d'un enseillement et d'une
humidité maximales.
Aux
latitudes européennes, le nombre moyen de jours d'orage est de 4 à 7 au
printemps, 9 à 14 en été, 2 à 5 en automne et un seul ou voire aucun en hiver.
Pour l'année entière, en Belgique on observe 18 jours d'orage à la côte et 25
en Ardennes. Ces nombres sont équivalents sur la côte Nord-Est des Etats-Unis
jusqu'à New-York. Par contre la côte Californienne subit moins de 5 orages par
an, c'est le chiffre le plus bas des Etats-Unis, alors que le centre de la Floride subit plus de 90
orages chaque année !
Etant
donné la plus forte instabilité de l'atmosphère au-dessus des continents en
été, la fréquence des orages y est plus grande que sur l'océan. En mer (et à la
côte), les orages interviennent surtout la nuit.
Formation des orages
La formation des orages est le résultat d'un
certain nombre de conditions dont les principales sont :
1. Instabilité conditionnelle de la masse d'air
2. Déclenchement de l'instabilité par une cause
extérieure
3.
Humidité relative assez élevée
1. Instabilité conditionnelle de la masse d'air
Nous
avons vu qu'une masse d'air est en instabilité conditionnelle lorsque sa courbe d'état est située entre
l'adiabatique sèche et l'adiabatique saturée. Avant que l'air ne devienne
instable, il doit être soulevé (par une cause extérieure) jusqu'à un niveau (p1) où les particules d'air ascendant deviennent
plus chaudes que l'environnement. Lorsque cette condition est réalisée, les
particules d'air, relativement chaudes, continuent d'elles-mêmes leur mouvement
ascendant jusqu'au moment où leur température devient égale à celle de l'air
environnant.
2. Déclenchement de l'instabilité
L'instabilité
peut se déclencher par soulèvement de la masse d'air ou par convection. Le
soulèvement des particules d'air jusqu'au niveau où elles deviennent plus
chaudes que l'air environnant (p1) est
provoqué principalement par le relief et par les surfaces frontales.
D'autre
part, la convection thermique due au réchauffement diurne du sol joue aussi un
très grand rôle dans le déclenchement de l'instabilité puisqu'elle crée une
instabilité absolue dans les basses couches de l'atmosphère. La convection
intervient également par suite d'une advection d'air froid sur une surface plus
chaude
3. Humidité de la masse d'air
L'importance
de l'humidité de la masse d'air réside dans son influence sur l'altitude du
niveau de condensation et de ce fait sur l'altitude du niveau à partir duquel
les particules d'air s'élèvent d'elles-mêmes. Il est évident que le niveau de
condensation et le niveau (p1) sont
d'autant plus bas que l'humidité relative est élevée.
Par
conséquent, le soulèvement nécessaire au déclenchement de l'instabilité sera
d'autant plus faible que l'humidité de la masse d'air est élevé.
Toute
autre condition restant égale, les orages seront plus fréquents (aussi bien
dans l'espace que dans le temps) et plus violents dans une masse d'air humide
que dans une masse d'air sec.
Structure et développement d'un
orage
Généralités
Un orage se compose de différentes cellules de
forme grossièrement elliptique, l'ensemble formant une supercellule. Chaque
cellule résulte de l'agglomération de plusieurs cumulus en voie de
développement (cu con). Les différentes cellules constituant un orage peuvent
se trouver à un stade différent de développement; ainsi, d'anciennes cellules
disparaissent tandis que de nouvelles se forment, entraînant un déplacement
apparent de l'orage qui ne correspond pas toujours à son déplacement moyen
réel.
Le diamètre des cellules varie entre 2 et 10 km selon le stade de
développement atteint; leur extension verticale atteint 30000 à 40000 pieds (souvent
plus dans la région équatoriale).
|
Les intervalles entre cellules sont caractérisés
par des conditions de vol nettement meilleures que dans les cellules
(turbulence plus faible, etc).
La distance entre deux cellules est de 1 à 2 km; il est donc
théoriquement possible de traverser un orage en empruntant un de ces couloirs
en tirant profit des techniques radar.
Cycle de vie d'une cellule
Le
cycle de vie d'une cellule dont la durée est d'environ une heure se divise en
trois stades définis par la direction (vers le haut ou vers le bas) des
mouvements verticaux.
Ces stades sont :
1. le stade cumulus caractérisé par des
mouvements ascendants
2. le stade de maturité caractérisé par des
mouvements ascendants et descendants
3. le
stade de dissipation caractérisé par des mouvements descendants
1. Stade cumulus
Durant
ce stade, la cellule est caractérisée par des mouvements ascendants à travers
toute la cellule. Ces mouvements ascendants sont les plus importants dans la
partie supérieure du nuage où ils atteignent 20 à 25 m/s (> 72 km/h).
L'air
converge horizontalement vers le nuage à tous les niveaux traversés par ce
dernier.
Ces
mouvements ascendants maintiennent en suspension l'eau liquide formée,
empêchant les précipitations en surface.
Aucun
éclair n'est observé durant ce stade dont la durée est de dix à quinze minutes.
Les
températures à l'intérieur d'une cellule bien développée sont plus élevées que
celles de l'air environnant aux altitudes correspondantes.
2. Stade de maturité
Le
stade de maturité commence lorsque les précipitations commencent à tomber de la
base du nuage. L'importante quantité d'eau tombant à travers le nuage provoque,
par frottement, un renversement du sens des courants verticaux. Un courant
descendant prend naissance dans la partie précipitante de la cellule et s'étend
ensuite aux autres parties de la cellule.
Les
courants ascendants persistent cependant à côté des courants descendants et atteignent
leur plus grande amplitude au début de ce stade et dans la partie supérieure du
nuage (ils peuvent, localement, dépasser 25 m/s ou 90 km/h).
Les
mouvements descendants sont généralement moins violents que les mouvements
ascendants; ils sont les plus importants dans la partie inférieure du nuage.
La
limite entre les mouvements ascendants et descendants constitue une zone de
turbulence sévère et de fortes accélérations verticales. Ce stade de maturité
constitue la période d'orage; il dure de quinze à vingt minutes.
On y
observe des éclairs soit au sein même du nuage (éclairs horizontaux Cloud-Cloud
ou CC, dits "crawler") soit dirigés vers le sol (éclairs Cloud-Ground
ou CG) accompagnés de tonnerre et d'averses (de pluie, de neige ou de grêle en
fonction des circonstances).
Les
températures sont plus basses dans les courants descendants en comparaison avec
l'air environnant et contrastent spécialement avec les températures dans
les courants ascendants; les plus grandes anomalies négatives s'observent dans
la partie inférieure du nuage (négatives dûes à la friction, positives par
induction).
|
3. Stade de dissipation
Le
stade de dissipation commence dès que les courants ascendants disparaissent et
que les courants descendants ont envahi l'ensemble de la cellule. Le nuage
commence à se dissiper. La dissipation totale ou la stratification intervient
dès que la pluie (ou la neige) et les courants descendants cessent. Le sommet
du nuage prend la forme caractéristique d'une enclume (cb incus) qui peut
s'étendre horizontalement sur plusieurs kilomètres.
Dès
le début de ce stade, qui dure environ 30 minutes, les risques d'orage
disparaissent.
Lorsque
les mouvements descendants cessent, les températures à l'intérieur de la
cellule deviennent égales à celles de l'air environnant à même altitude.
Cellule orageuse en dissipation.
Document NOAA Photo Library rectifiée par l'auteur.
Phénomènes
associés aux orages : aspects opérationnels
Parmi les phénomènes associés aux orages et décrits précédemment, rappelons que le givrage
se rencontre avec la plus grande fréquence et la plus grande intensité
environ 5000 pieds
au-dessus de l'isotherme de 0°C.
Cette zone devra donc être évitée dans la mesure du possible d'autant plus
qu'elle correspond à la zone la plus turbulente.
En effet les plus fortes turbulences
observées à l'intérieur d'un nuage se situent au point de cisaillement
(sheering) ou zone de transition des courants ascendants et descendants.
Elles se présentent au milieu du nuage, très précisément dans les 5000 ou 6000 pieds au-dessus
de l'isotherme de 0°C.
|
La
turbulence peut également être très forte à l'extérieur des nuages d'orages. Dans
les basses couches on peut la rencontrer devançant les cumulonimbus de 10 à 25 km ainsi que plusieurs
milliers de pieds au-dessus d'un gros orage et dans un rayon de 40 km alentour.
De la neige
modérée ou forte peut être observée avec le maximum de fréquence à une altitude
de 20000 à 21000 pieds
sous nos latitudes mais elle peut être observée à n'importe quel niveau
au-dessus de l'isotherme de 0°C
associée à de l'eau liquide dans la plupart des cas (sleet). Ceci est
évidemment d'une très grande importance pour les conditions de givrage.
La grêle
se rencontre au maximum dans 10% des nuages observés et peut-être présente dans
l'ensemble du nuage (des basses couches à plus de 30000 pieds) avec des
diamètres parfois conséquent pouvant endommager la structure des petits comme
des gros avions, ainsi qu'en témoignent les images présentées ci-dessous,
plutôt spectaculaires !
Des grêlons gros des oeufs de poules animés d'une vitesse relative
supérieure à 600 km/h
produisent le même effet que des coups de marteau bien assainis. Ils peuvent
donc facilement déformer l'acier et percer les verres les plus résistants
Dans
l'incident présenté ci-dessous, le nez de l'avion, la verrière, les phares
ainsi que les bords d'attaque des ailes et des ailerons furent endommagés.
Cet
exemple justifie à lui seul de recommander aux pilotes d'éviter les zones
orageuses et de givrage et d'interdire aux pilotes privés de voler par mauvais
temps pour leur propre sécurité. Mieux vaut ne pas prendre le risque de
"casser du bois"...
Le vent
est également très intense dans une cellule orageuse avec des courants
descendants dans les basses couches et latéraux près du sol (low level) accompagnés
de violentes rafales au passage du pseudo-front froid. La vitesse de ces
rafales est en général la plus grande que l'on puisse enregistrer au cours du
passage d'un cumulonimbus.
Les observations
effectuées jusqu'à présent montrent que leur vitesse est comprise entre 20 et
80 noeuds, les rafales de 20 à 30 noeuds étant les plus fréquentes. La durée de
ces rafales excède rarement quelques minutes (15 min. max).
Des variations de pression
très rapides et assez importantes sont enregistrées durant le passage d'un
orage. Ces variations de pression se traduisent évidemment par d'importantes
erreurs altimétriques dont il est indispensable de se méfier .
Enfin, rappelons que les
éclairs semblent se produire le plus fréquemment aux altitudes de 16000
à 26000 pieds
où ils ne provoquent que des dommages mineurs : panne de radio ou légères
piqûres sur la structure de l'appareil. Mais reportez-vous à la fin du chapitre
consacré aux orages pour plus de détails.
Développement vertical
La
hauteur des nuages d'orage est d'une grande importance pour la détermination du
niveau de vol optimum. Les observations par radar ont permis de déterminer que
les orages formés au sein d'une masse d'air (réchauffement à la base et orages
orographiques) possèdent la plus grande extension verticale tandis que les
nuages frontaux semblent les moins développés. Dans les régions tempérées, des
orages s'étendant jusqu'à 50000
pieds sont très rares; le sommet moyen se situe entre
25000 et 30000 pieds
en fin de maturité.
Arrivé
au stade de dissipation, le sommet du nuage prend la forme caractéristique
d'une enclume (cb incus) soit parce qu'il a atteint la tropopause soit parce
l'air est devenu plus stable à cette altitude. Constituée de cristaux de glace,
cette enclume peut s'étendre horizontalement sur 10 nautical miles et on peut y
observer des averses de grêle sous forme de virga. Si l'instabilité est très
forte le sommet du nuage peut dépasser la tropopause de quelques centaines de
pieds.
|
Courants verticaux
Les
courants ascendants et descendants de l'air constituent la structure de base
des nuages. Un courant vertical consiste en un mouvement continu de l'air vers
le haut ou vers le bas. Ces mouvements à grande échelle s'étendent sur
plusieurs milliers de pieds en altitude. La vitesse de ces courants est
relativement constante, tout au plus varie-t-elle graduellement d'un niveau au
suivant.
D'autre
part, les rafales consistent en des discontinuités à petite échelle associées
aux mouvements verticaux. Ces rafales ont une faible extension verticale et
horizontale; ce sont elles qui provoquent la turbulence dans les nuages
cumuliformes.
Grâce à différentes observations, on a pu tirer
certaines conclusions définitives au sujet des courants verticaux :
A. Les courants ascendants les plus rapides
existent aux niveaux moyens et supérieurs (maximum aux 2/3 de l'extension
verticale du niage à partir de la base);
B. La vitesse moyenne des courants ascendants
augmente avec l'altitude
C. Les
courants ascendants sont plus rapides que les courants descendants sauf dans la
partie inférieure du nuage.
Enfin, on a également pu obtenir certaines
données relatives au déplacement vertical d'un avion dû aux courants
ascendants :
A. Les plus grands déplacements s'observent en
hautes altitudes. Un avion volant à 150 noeuds peut être soumis à un
déplacement de l'ordre de 6000
pieds dans la partie supérieure d'une cellule orageuse
tandis que le même avion volant à la même vitesse à 6000 pieds d'altitude
observera un déplacement maximum de 1600 pieds;
B. Il existe très peu de cas dans lesquels un
avion volant à une altitude de 5000 à 6000 pieds ait subi un
déplacement dangereux vers le sol (du fait des courants descendants);
|
C. Le
déplacement moyen dû au courants ascendants est, aux niveaux moyens et
supérieurs, plus grand que le déplacement moyen dû aux courants descendants.
Par conséquent, on peut dire qu'un avion qui sort d'un cumulonimbus aux niveaux
moyens et supérieurs accuse une vitesse propre supérieure à celle qu'il
possédait en y pénétrant;
D.
Les courants descendants diminuent heureusement à proximité du sol, et le
risque qu'un avion soit projeté contre le sol par ce courant descendant est
faible, sauf dans les régions montagneuses. Toutefois, si un pilote tente de
maintenir son altitude, il placera son appareil dans des positions extrêmes de
"nose-up" ou "nose-down"; s'il rencontre alors une région
de sévère turbulence (à la limite des courants verticaux de sens contraire), il
peut éprouver de sérieuses difficultés jusqu'à perdre le contrôle de son
appareil.
Rafales de vent
Un
des facteurs importants pour l'avion lors de la traversée des cellules
orageuses consiste en mouvements turbulents provoqués par les rafales de vent.
Un orage sera d'autant plus sévère que les rafales sont fréquentes et intenses.
Plusieurs statistiques instructives ont été rassemblées dont voici un résumé.
En
premier lieu, il est important de noter que les rafales de faible vitesse (1 à
4 m/s) sont beaucoup moins fréquentes à toutes les altitudes que les rafales de
vitesse plus élevée; il convient également de noter que des rafales de très
grande vitesse (> 8 m/s) peuvent également être observées à toutes les
altitudes, mais moins fréquemment.
Puisque
toutes les vitesses de rafales existent à toutes les altitudes, il est
important de connaître les altitudes auxquelles les rafales les plus rapides se
rencontrent le plus fréquemment. Les statistiques montrent un maximum de
fréquence bien défini pour les rafales de grande vitesse au voisinage de
l'isotherme de 0°C.
Il est donc logique de ne pas traverser les orages à cette altitude. Cela ne
signifie pas que des rafales violentes n'existent pas aux autres niveaux, mais
simplement qu'elles y seront moins fréquentes.
Enfin,
les décharges électriques et les différences de potentiels qui se manifestent
dans les cumulonimbus peuvent engendrer des effets électromagnétique et affoler
l'avionique embarquée ou endommager la VHF. Sans parler des mauvaises conditions météo,
la prudence nous incite à dire à tous les pilotes qu'il vaut mieux se dérouter
de quelques dizaines de kilomètres plutôt que de pénétrer dans un nuage
d'orage.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire