Les traînées de condensation
Lorsqu'un avion traverse certaines couches atmosphériques, on peut
observer l'apparition de traînées de condensation ou "contrails".
L'importance tactique considérable de ces traînées réside dans les
renseignements qu'elles fournissent : position, déplacement et nombre
d'avions.
Il est donc absolument indispensable d'en connaître les modes de
formation, les caractéristiques et les moyens de les éviter ou de les
éliminer.
Les facteurs physiques qui peuvent, en pratique,
déterminer la formation des traînées de condensation sont :
- l'apport de noyaux de condensation dans une
atmosphère sursaturée,
- l'apport d'eau sous forme de vapeur,
- le refroidissement de l'air.
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Hommage aux "fous
volants" : du F-16 à la navette spatiale. Document
T.Lombry.
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L'apport
de noyaux de condensation dans une atmosphère sursaturée constituerait une
explication simple de la formation des traînées. Cependant, il est actuellement
certain que ces noyaux de condensation existent en nombre suffisant avant le
passage de l'avion et qu'en tout cas la sursaturation est un phénomène excessivement
rare dans l'atmosphère libre.
Parmi les traînées formées par un des deux autres
processus, nous distinguons :
- les traînées aérodynamiques,
- les traînées d'échappement (exhaust),
-
les traînées de convection.
Les traînées aérodynamiques
Formation
Le
refroidissement de l'air est exclusivement la conséquence d'une détente admise
généralement comme adiabatique. Pour un avion volant à 600 km/h, la dépression en
bout d'aile peut atteindre 170 mbar. Les remous créés par les ailes ont
tendance à s'organiser en un fort tourbillon assez persistant dans lequel la
dépression demeure de l'ordre de 30 mbar sur une assez grande longueur.
Dans ces conditions,
on peut observer des traînées de condensation "de bout d'aile" ayant
en moyenne une longueur de 10 m
et un diamètre de 50 cm.
Cependant, ces traînées nécessitent une atmosphère presque saturée et
préalablement non turbulente, sinon le tourbillon ne pourrait persister; elles
sont assez rares et très fugaces.
On
observe en général les traînées aérodynamiques lors de meetings aériens ou
durant les exercices de "dogs fights" lors des manoeuvres
d'évitement, les virages serrés, etc dans une atmosphère assez humide.
Ces
traînées ne sont donc pas associées à des nuages mais elles peuvent apparaître
en présence de nuages de pluie tels que les nimbostratus, cumulonimbus et
stratocumulus du fait que l'air est presque saturé d'humidité.
Elimination
Les
traînées aérodynamiques peuvent être éliminées en s'écartant des couches d'air
humide par changement d'altitude ainsi qu'en effectuant les manoeuvres à des
vitesses plus modérées le cas échéant.
Les traînées d'échappement ou "contrails"
C'est
le phénomène bien connu de "sillage" laissé en haute altitude par les
jets que nous appelons dans notre gargon aéronautique les "contrails"
ou exhausts". Ennuyeuses sur le plan tactique, elles peuvent contraindre
un pilote de chasse ou de bombardier voire un aérostier téméraire à changer de
niveau de vol.
La
démonstration la plus médiatisée de cet effet et son impact sur les missions
tactiques, fut la découverte des contrails de l'avion furtif Aurora dont l'unique photographie est présentée
ci-dessus. Jusqu'à cette preuve indiscutable, le DoD américain avait toujours
nié l'existence des "black programs" (non identifiés comme tels dans
les budgets officiels). On en reparlera plus longuement dans le dossier
consacré aux affaires militaires.
Formation
Les traînées d'échappement résultent de la saturation en vapeur d'eau des
couches atmosphériques traversées par l'avion; cette saturation donnant lieu
à la condensation et à la solidification ensuite d'une quantité suffisamment
importante de vapeur d'eau.
Les réactions chimiques de combustion dans les moteurs de l'avion
s'accompagnent de la libération d'une certaine quantité de chaleur et de
vapeur d'eau éjectées par les tuyères d'échappement et cédées aux couches
atmosphériques traversées. Celles-ci se réchauffent en même temps qu'elles
s'enrichissent en vapeur d'eau. Ces deux actions ont des effets opposés sur
l'humidité relative des couches traversées : l'addition de vapeur d'eau
augmente cette humidité relative, alors que le réchauffement des couches la
diminue.
Ainsi, lorsqu'il y a formation effective d'une traînée blanche dite
d'échappement, elle résulte toujours de ces deux processus contraires,
l'apport de vapeur d'eau à l'atmosphère l'emportant sur le réchauffement de
l'air.
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Traînées de
condensation au lever du Soleil dans le sillage d'un A-340. Document
Emmanuel Tailliet pour Airliners.net.
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Lorsque
de telles traînées se forment, elles s'allongent dans le sillage de l'avion et
sont généralement très intenses et très persistantes. Ces traînées sont formées
de cristaux de glace ainsi qu'en témoignent certaines photographies et certains
phénomènes de halo qu'on y observe fréquemment; ces cristaux de glace
proviennent de la solidification de la vapeur d'eau et on admet généralement
que cette solidification nécessite d'abord le passage de la vapeur par l'état
liquide.
En
outre, il est clair que ces traînées sont d'autant plus intenses, c'est-à-dire
d'autant plus visibles que le nombre de cristaux de glace qu'elles contiennent
par unité de volume est grand. En général, on admet que la concentration en
cristaux de glace doit être au moins de 0.01 g/m3 dans une traînée bien visible, et peut se réduire
à 0.004 g/m3 pour des traînées
faiblement visibles. Il est d'ailleurs évident que la persistance de ces
traînées sera fortement influencée par la concentration en cristaux de glace.
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D'autre
part, puisque les traînées de condensation sont constituées de cristaux de
glace, on doit s'attendre à ce qu'elles ne se produisent qu'à des altitudes
relativement élevées où la température des couches atmosphériques est
suffisamment basse. Une température (calculée théoriquement) inférieure à -29°C est nécessaire pour
qu'il y ait formation de traînées de condensation. Ceci veut dire que si la
température des couches atmosphériques traversées par l'avion est supérieure à -29°C aucune traînée ne se
formera, quelle que soit l'humidité de ces couches. Les altitudes normales
(dans la zone tempérée) où ces "contrails" se forment, sont en
général comprises entre 25000 et 40000 pieds. Les nuages propices à leur
apparition sont donc les cirrus et les cirrostratus.
Au
bout de quelques dizaines de minutes voire plusieurs heures, si la masse d'air
est suffisamment humide en altitude, ces traînées de condensation finissent par
s'étendre et se confondent avec des nuages cirriformes en provoquant une
certaine opacité du ciel.
Suppression
En
principe, le moyen radical pour supprimer les contrails serait de récupérer
l'eau des gaz d'échappement par des condenseurs appropriés; cet équipement
étant peu pratique, d'autres méthodes doivent être envisagées, et notamment :
- Grimper 2000 pieds au moins
au-dessus de la tropopause,
- Planer vers les altitudes inférieures en
réduisant la puissance du moteur,
- Faire un léger piqué au moteur et regagner
l'altitude primitive (de courtes traînées persistantes pourront se former
pendant le retour en altitude),
- Diminuer le régime moteur de manière à réduire
la quantité de vapeur d'eau éjectée,
- Descendre rapidement en-dessous de l'altitude
minimale de formation des traînées de condensation,
-
Ouvrir les volets de capotage des moteurs (à piston) ou les
"air-brakes" pour augmenter le volume d'air brassé dans la traînée et
ainsi réduire le pourcentage d'humidité. Les traînées ne disparaîtront
entièrement que si les deux premières règles sont appliquées, dans les autres
cas la persistance ou la longueur de la traînée sera affaiblie, tout au moins
si les conditions ne sont pas anormales.
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Les traînées de convection
Formation
Ces
traînées sont formées par le réchauffement des couches d'air traversées par
l'avion, réchauffement provoqué par la chaleur dégagée lors de l'échappement
des produits de combustion.
Les
couches d'air ainsi réchauffées deviennent plus légères que les couches
voisines et s'élèvent; si les couches atmosphériques traversées sont instables,
ce mouvement ascendant s'amplifiera. L'ascendance s'accompagnera d'un
refroidissement adiabatique et la vapeur d'eau se condensera sous forme de
nuage.
Ce
type de traînée est persistant et peut se rencontrer à toute altitude, le plus
fréquemment entre 8000 et 20000
pieds. Elles apparaîtront donc en particulier près des
altocumulus et des altostratus en couches non uniformes.
L'importance
tactique des traînées de convection est modérée bien que ces traînées ne soient
pas rares et qu'elles soient généralement persistantes, elles ne se forment que
dans des conditions atmosphériques très spéciales (instabilité des couches
traversées) et pour les supprimer il suffit de changer quelque peu d'altitude.
Suppression
Deux règles simples sont applicables :
- Grimper ou descendre de quelques centaines de
pieds (un changement d'altitude de 1000 pieds devrait être largement suffisant
dans la plupart des cas),
-
Eviter les altitudes des formations nuageuses cumuliformes.
Aspects opérationnels
Dans
la plupart des cas, le pilote ignore que son appareil laisse une traînée de
condensation dans son sillage même s'il s'attend à sa formation. Etant donné
l'importance que peuvent avoir de telles traînées en opérations, il est
nécessaire de surveiller ou de faire surveiller la formation éventuelle de ces
traînées.
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Impact des contrails sur la température
Les
climatologues savent bien que lorsqu'il y a trop de traînées de condensation
dans le ciel cela peut affecter la température en un lieu puisqu'elles jouent
le même rôle qu'un banc de cirrus épais. Mais jusqu'en 2001 personne n'avait
vraiment étudié le sujet.
Suite
aux attentats du 11 septembre 2001 à New York, tout survol du territoire des
Etats-Unis fut interdit durant trois jours. En raison de l'intense trafic
aérien sur la côte est des Etats-Unis et l'apport d'humidité venant de la mer,
cette région est connue pour présenter énormément de contrails. Sur certaines
photos satellites les contrails couvrent parfois 75% du ciel !
Durant
la période où tous les vols furent interdits, le ciel s'est subitement
éclairci, vidé de ses contrails. Les climatologues étudiant les variations de
la température et l'évolution des extémas ont fait une étonnante découverte.
L'avenir de l'astronomie : la radio ?
Une étude conduite en 2006 par le professeur Gerry Gilmore, titulaire de la chaire Opticon (astronomie infrarouge optique) à
l'Institut d'Astronomie de l'Université de Cambridge, nous apprend que les
traînées de condensation risquent à l'avenir de perturber les observations
astronomiques conduites par les observatoires dans le domaine optique.
Nous savons depuis plusieurs décennies que les astronomes éprouvent des
difficultés pour conserver leurs "fenêtres" d'observation en raison
de la pollution lumineuse.
En extrapolant les conditions atmosphériques actuelles, Gilmore est
parvenu à la conclusion qu'en 2050 il sera impossible d'exploiter de gros
télescopes en raison de l'augmentation de la vapeur d'eau dans l'atmosphère
et des contrails qui en découlent suite à l'augmentation du trafic aérien.
Mauvais temps pour les
astronomes qui devront bientôt se convertir à la radioastronomie ! Reste à
trouver un nouveau site
d'observation; pourquoi pas en
Antarctique ? Sinon il faudra attendre la base lunaire...
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Lorsque
le trafic aérien est normal au-dessus des Etats-Unis, c'est-à-dire très dense,
en moyenne on constate une baisse de la température de l'ordre de 0.25°C.
Durant les 3 jours d'arrêt du trafic aérien et donc en l'abence de contrails,
la température moyenne a augmenté de 1.10°C, la différence atteint 1.35°C. Elle
retomba à des valeurs négatives lorsque l'espace aérien fut réouvert. Les
climatologues de l'Université de Wisconsin n'avaient jamais vu ça depuis 30 ans
!
Ce phénomène confirme l'impact des contrails sur
la température. Il signife également que la température moyenne dans une région
du monde peut drastiquement être modifiée si on
supprime une seule source de pollution.
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