turbulence

* * bonne année 2022* *
       turbulence
Dans un fluide, tout mouvement qui ne suit pas l'évolution générale du flux moyen est dit turbulent. Pour déterminer ce flux moyen, il est indispensable de définir une échelle de référence.
De cette manière, un phénomène turbulent relativement à une échelle peut, à l'échelle inférieure, représenter correctement le mouvement moyen du fluide, par rapport auquel d'autres mouvements à plus petite échelle jouent le rôle de mouvements turbulents.
Par exemple :
- Les dépressions mobiles donnent le flux moyen à l'échelle synoptique mais constituent des phénomènes de turbulence lorsqu'on étudie la circulation générale moyenne de l'atmosphère,
- les brises de terre et de mer sont des phénomènes de turbulence à l'échelle synoptique.
Il est donc indispensable de définir le plus exactement possible la turbulence à l'échelle aéronautique.

Sillage de turbulence derrière un Cessna Citation VI volant à 313 km/h au-dessus d'un banc de brouillard au-dessus du lac Tahoe. Document NASA/FAA.

Définition

L'atmosphère est dite turbulente, à l'échelle aéronautique, lorsque la distribution des mouvements d'air subit des variations brusques et importantes provoquant des secousses brutales, de fréquentes embardées et contraignant le pilote à ramener continuellement l'avion en ligne de vol. Les tourbillons capables de tels effets ont une dimension comprise entre 10 et 150 mètres de diamètre.
Les secousses peuvent être considérées comme décrivant tout mouvement de l'avion clairement perceptible, résultant de la turbulence atmosphérique, de faible longueur et de peu de durée et impossible à corriger par les méthodes normales de contrôle. En pratique, ces secousses ont une telle périodicité qu'elles entraînent des troubles physiologiques chez les passagers.
Une définition moins restrictive des secousses inclut des mouvements à plus grande échelle qui peuvent être partiellement contrecarrés par le pilote. Ces mouvements à plus grande échelle sont suffisamment intenses pour être significatifs dans deux situations: dans les orages et dans les ondes de relief.
Effets de la turbulence aéronautique

La turbulence peut entraîner une perte de contrôle momentanée de l'appareil, des troubles physiologiques et des dégâts à la structure de l'appareil. De plus, notons la difficulté d'atterrir et de décoller dans des conditions de turbulence sévère et la difficulté de maintenir une altitude constante dans une atmosphère turbulente.
Pendant les orages, les rafales de vent peuvent atteindre 40 à 60 noeuds et elles se produisent généralement avec de brusques changements de direction.
Notons encore que la vie d'un avion est limitée par la fatigue du métal associée à des rafales répétées. 
Finalement les statistiques montrent que 73% des accidents aux passagers sont dus à la turbulence; ces accidents interviennent lorsque les passagers dont la ceinture de sécurité n'est pas bouclée sont projetés dans l'avion ou lorsque des passagers sont atteints par des objets volants dans la carlingue dans des conditions de turbulence inattendue. En conclusion, si vous êtes un jour passager d'un avion, si les stewards vous demandent de rester assis, de boucler votre ceinture et de placer vos objets dans les étagères, c'est avant tout pour votre sécurité !
Sources de la turbulence
Mieux vaut atterrir que de subir la turbulence d'un cumulonimbus. Heureusement celui-ci est en phase de dissipation et l'avion en phase terminale. Document Craig Murray.
Les sources principales de turbulence, qu'elles soient naturelles ou artificielles, peuvent être classées en 5 catégories. Par ordre d'importance nous trouvons :
1. La turbulence d'origine mécanique; dans les couches de frottement,
2. La turbulence due aux ondes de relief,
3. La turbulence d'origine convective, dans et sous les nuages cumuliformes,
4. La turbulence artificielle créée par le sillage des avions,
5. La turbulence en ciel clair (CAT) due à l'énergie du flux moyen à haute altitude.
La turbulence dans la couche de frottement
Cette turbulence résulte principalement de l'action des irrégularités du sol sur le mouvement des particules d'air dans les basses couches. Le spectre de cette turbulence est très étendu et dépend des dimensions des irrégularités du terrain.
L'intensité de la turbulence dépend de la vitesse et de la direction du vent, des irrégularités du terrain, de la hauteur de vol au-dessus du sol, de la stabilité des basses couches et éventuellement de la libération de chaleur latente de condensation (lorsqu'il y a formation de nuages bas). Cette couche de fiction atteint environ 500 pieds pour un vent soufflant à 5 noeuds mais peut atteindre 2000 pieds d'épaisseur si le vent souffle à 20 noeuds.
Le réchauffement ou le refroidissement du sol joue un grand rôle comme source d'énergie de turbulence et pour l'épaisseur de la couche de frottement (couche de mélange). Ce genre de turbulence est toujours important pour les atterrissages et les décollages et pour tout vol à basse altitude (en avion mais aussi en parapente, ULM, y compris pour les parachutistes).


La turbulence due aux ondes de relief

La turbulence due aux frottements intervient près du sommet des montagnes. Cependant la turbulence la plus sévère n'est pas issue de ce processus mais de la présence d'ondes de gravité qui prennent naissance sous le vent du relief. Le mouvement ondulatoire lui-même est souvent doux bien que des vitesses verticales de 5 à 10 m/s ne soient pas exceptionnelles dans des ondes engendrées par un relief d'altitude modérée.
La turbulence se rencontre en traversant ces ondes; les rafales de vent rencontrées peuvent atteindre 25 m/s (pour une moyenne de 5 à 12 m/s) soit des vitesses qui peuvent entraîner des dégâts à la structure de l'appareil. Il est donc nécessaire d'aborder ces régions à vitesse réduite car la turbulence s'y manifeste sans aucun avertissement. Remarquons que la turbulence la plus violente se manifeste au bord des ondes par suite de l'interférence avec le flux général de l'air.
Cette turbulence orographique se ressent au-dessus des collines jusqu'à une hauteur atteignant le tiers de la hauteur du relief mais elle atteint 3 fois la hauteur de la montagne pour les reliefs les plus élevés (massif alpin, etc).
Planeurs profitant des thermiques purs d'origine convective dans les régions de Puimoisson (CH) et Colmar (F). Si le pilote sait tirer profit des différents types de turbulence et des conditions météo il pourra avec un peu de chance atteindre une altitude dépassant 15000 pieds et planer durant plusieurs heures. Documents Pierre Lamon et CICVVA/Léon Picros.
La turbulence d'origine convective

Ce type de turbulence s'observe dans et sous les nuages cumuliformes et principalement les cumulonimbus. En fait, on peut l'observer dans tous les nuages instables quelle que soit la cause de déclenchement de l'instabilité : fronts, orographie, etc.
L'instabilité crée des mouvements verticaux organisés. Nous avons vu à propos des orages que les supercellules constituées de plusieurs cumulonimbus sont le siège de mouvements ascendants et descendants; il existe donc entre les deux courants un mouvement de cisaillement (shearing) formant une zone de turbulence sévère. Cette turbulence est localisée dans l'espace et dans le temps et, étant donné la durée de vie d'une cellule, l'intensité de la turbulence est très variable. Elle est très difficilement prévisible avec exactitude dans un cas bien précis.
Lorsque cette turbulence forme une colonne d'air ascendant elle peut être mise à profit par les pilotes de planeurs; ce sont les fameux "thermiques". Cette zone convective leur offre l'opportunité d'accélérer et de monter en altitude avec la possibilité de parcourir de grandes distances.
Dans une masse d'air sec on observera des thermiques purs, tandis que dans une masse d'air humide les thermiques seront balisés par des nuages cumuliformes. Je vous propose de consulter le chapitre consacré au vol à voile pour plus de détails.
Citons également pour mémoire l'effet Kelvin-Helmholt-Wellen, KHW en abrégé, qui participe à la création des nuages formés par turbulence, tel l'exemple présenté à gauche, y compris en ciel clair. Reportez-vous au chapitre consacré aux nuages formés par turbulence pour d'autres illustrations.
La turbulence artificielle
La turbulence provoquée par un avion peut représenter un danger potentiel. Les grands avions à forte charge alaire provoquent la formation de tourbillons de bout d'aile qui peuvent entraîner une turbulence sévère dans une zone étroite derrière l'avion. Ceci peut constituer un danger sérieux lorsqu'un petit avion tente d'atterrir derrière un plus gros. 
Ci-dessus étude des vortex de turbulence au décollage d'un petit avion. A droite un F-18 Hornet décollant d'un porte-avion. Ci-dessous vortex au décollage d'un C-130. A droite étude de la turbulence de bout d'aile au centre de recherche aéronautique Dryden de la NASA. Documents UQAM, Mannyp26, Sven De Bevere/Airliners et NASA DFRC.

Les tourbillons sont entraînés par le vent et leur intensité diminue lentement avec la distance de telle manière que la situation la plus critique se présente lorsqu'il y a peu ou pas de vent de travers et lorsque l'air est très stable (inversion de température).

La turbulence en atmosphère claire (CAT)
Bien que certains types de turbulence précités puissent intervenir en atmosphère limpide (couche de frottement, ondes de relief) nous devons traiter maintenant la turbulence que l'on rencontre en atmosphère claire en dehors des zones d'influence orographique et des zones perturbées.
Elle peut être observée à moyenne et haute altitude sans qu'on puisse affirmer qu'elle soit, aux niveaux moyens, complétement indépendante de l'action perturbatrice du sol.
    Contrairement à  turbulence liée aux nuages, au relief, etc, qui se manifeste de manière désordonnée, la turbulence en atmosphère claire présente un aspect plus régulier rappelant les cahots ressentis par "une automobile rapide qui roulerait brusquement sur une série de profondes ornières dont la présence n'aurait pas été décelée auparavant" (impression d'un pilote anglais). La fréquence des secousses paraît constante pendant la traversée d'une même zone turbulente. Cette fréquence varie évidemment avec la vitesse de l'avion et avec chaque situation, mais elle est de l'ordre de 2 à 4 sursauts par seconde. Cette turbulence résulte d'une brusque augmentation de la vitesse du vent et/ou d'un net changement de la direction du vent avec l'altitude.

Intensité de la turbulence (CAT) en fonction des gradients horizontal et vertical de température (le gradient de vent a été ramené à ces deux paramètres).
De telles variations entraînent, par viscosité, la formation de tourbillons dans la zone de discontinuité et sont liées à la variation du vent avec l'altitude.
Ces variations existent principalement au niveau de la tropopause et au bord des jets streams qui font l'objet du prochain chapitre; la turbulence en atmosphère claire se rencontre donc principalement à ces niveaux (à partir du FL200).
Il est important de noter que le degré de turbulence est différemment estimé par les pilotes en fonction de leur personnalité, de leur fatigue, du type d'avion et de la nature du vol; lors d'un exercie de combat aérien par exemple le pilote est prêt à supporter des conditions de vol très stressantes alors qu'un vol de longue distance au flight level se déroule en général de manière "relax". Le premier pilote ne ressentira pas le même CAT de la même manière que le second. Toutefois, les points de vue sont plus faciles à concilier lorsque la turbulence est sévère ou violente.Les observations de turbulence effectuées à haute altitude donnent les résultats suivants :
- CAT légère : 75%  des cas
- CAT modérée : 15 à 20% des cas
- CAT sévère : 5 à 10% des cas
- CAT violente ou extrême : 1% des cas
De plus dans 2/3 des cas, la turbulence est associé à un jet stream

Détection de la turbulence et des aérosols
Outre les cartes synoptiques qui révèlent la position des fronts et les cartes d'altitude qui permettent de localiser les courants jets associés, il existe aujourd'hui des moyens électroniques pour détecter la turbulence en atmosphère claire. Ces systèmes font appel à des diodes d'émission laser émettant des impulsions à très basse fréquence ou reposent sur des détecteurs infrarouge dont le fonctionnement sort du cadre de ce dossier.
A gauche le système Lidar placé sur un avion au centre Dryden de la NASA. Au centre un détecteur radar de zone de cisaillement surtout utilisé dans les cellule orageuses. A droite un détecteur de turbulence en atmosphère claire. Aujourd'hui ces dispositifs sont installés sur les gros porteurs. Documents NASA DFRC et NASA Safety Program
Le centre de recherche aéronautique Dryden de la NASA a experimenté avec succès ce genre d'appareil, utilisant un Lidar (Light Detection and Ranging) qu'ils ont fixé sur la carlingue d'un avion. Ainsi que nous le verrons, le Lidar a de multiples applications et peut par exemple visualiser les couches nuageuses, mesurer le stress subit par la structure d'un avion et diagnostiquer les éventuels dommages sur l'appareil. L'industrie aéronautique a testé les premiers prototypes en l'an 2000 et les a installés depuis sur ses longs courriers.



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