Tous les indicateurs sont, et demeurent, au rouge. Chaque jour, la
perspective s’éloigne un peu plus de pouvoir conserver le climat terrestre sous la barre des 2°C d’augmentation de la température moyenne,
par rapport à l’ère préindustrielle – aujourd’hui, plus personne ou presque ne
nourrit encore l’espoir de le maintenir sous le seuil de 1,5 °C de réchauffement, pourtant inscrit dans le
marbre de l’accord de Paris, adopté en décembre 2015 au terme de la
COP 21.
Les phénomènes s’aggravent
Non seulement les températures moyennes continuent de s’élever
inexorablement, mais tous les phénomènes liés à l’élévation du mercure
s’accentuent. Les surfaces de banquise, en Arctique tout comme en Antarctique,
ont atteint des niveaux exceptionnellement bas tout au long de 2016. Au mois de
novembre, le déficit de glaces de mer par rapport à la moyenne 1980-2010
affichait 4 millions de km2, une anomalie sans précédent connu à
cette période de l’année. Aucun rebond ne se fait jour depuis début 2017 :
au nord comme dans l’hémisphère austral, les surfaces de banquise sont
nettement en deçà des normales. En avril, selon le National Snow and Ice Data
Center (NSIDC), ce déficit excédait légèrement 1 million de kilomètres
carrés…
Le dernier El Niño laisse comme des
stigmates dans le système climatique
Les températures élevées ne contribuent pas uniquement à la réduction des
superficies de banquises : elles endommagent également la productivité
biologique de l’océan. Depuis 2016, comme de nombreux autres récifs tropicaux,
la Grande Barrière de corail, en Australie, a été
touchée par un phénomène de blanchissement et de mortalité des coraux à grande
échelle. Seuls deux autres épisodes semblables ont été jusqu’à présent
observés, en 1998 et en 2002. Avec, comme conséquence, comme l’a noté
fin mars l’OMM dans son bilan de l’année écoulée, « des impacts importants sur la chaîne alimentaire marine, les écosystèmes et
les pêcheries ».
D’autres phénomènes s’aggravent plus vite qu’escomptés. Des chercheurs
français et suisses viennent ainsi de conduire une nouvelle analyse, publiée fin avril dans la revue Geophysical
Research Letters, suggérant
que la montée du niveau marin s’est accélérée au cours
des deux dernières décennies. Celle-ci aurait été 25 % à 30 % plus
rapide entre 2004 et 2015 qu’entre 1993 et 2004… En cause : la perte de
glace des calottes polaires du Groenland et de l’Antarctique qui s’accélère
fortement depuis vingt ans.
Des scientifiques perplexes
A cette accélération de fond viennent s’ajouter des sursauts ponctuels. Le
puissant Niño de 2015-2016 a fait bondir le niveau des mers.
Selon l’OMM, celui-ci s’est élevé de 1,5 centimètre entre les mois de
novembre 2014 et de février 2016 – soit quatre à cinq années de
hausse moyenne en moins de seize mois.
Plus étonnant : certaines manifestations de ce dernier Niño semblent
n’avoir pas disparu avec lui, laissant comme des stigmates dans le système
climatique. Ainsi, des accumulations d’eaux chaudes dans le Pacifique, au large
de pays d’Amérique centrale, ont-elles persisté alors même que les indices
majeurs marquant l’activité d’un Niño avaient disparu… Ces étrangetés
climatiques, qui plongent les scientifiques dans la perplexité, sont à
l’origine des pluies diluviennes et des coulées de boue qui ont frappé en mars
la Colombie et le Pérou, causant
plusieurs centaines de morts.
Dans le Pacifique, la situation actuelle est suffisamment inhabituelle pour
que les scientifiques de la NOAA prévoient un retour possible d’El Niño avant
la fin de l’année. Généralement, l’« enfant terrible du Pacifique »
revient tous les trois à sept ans, et un retour si rapide n’a jusqu’à présent
été observé qu’il y a plus d’un demi-siècle. Difficile, toutefois, d’affirmer
qu’il s’agit là d’une nouvelle manifestation du réchauffement en cours.